Intégrité et protection des membres du Tribunal Suprême

27/11/2019

Une Ordonnance Souveraine du 27 novembre 2019, publiée au Journal de Monaco le 28 novembre, apporte plusieurs modifications à l’Ordonnance Souveraine du 16 avril 1963 sur l’organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême. Elles portent sur les conditions dans lesquelles sont assurées tant l’intégrité que la protection des membres du Tribunal.

Intégrité des membres du Tribunal Suprême

L’indépendance du Tribunal Suprême et le caractère équitable de sa procédure sont inhérents à l’exercice des missions fondamentales que lui confie la Constitution, celles d’assurer la protection des droits fondamentaux et de veiller au respect par l’Administration du principe de légalité. C’est la raison pour laquelle les membres du Tribunal Suprême se sont toujours attachés à remplir cette mission avec intégrité et dévouement.

Et si les dispositions de l’Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 précisent la procédure suivie devant le Tribunal Suprême, son président et les autres membres du Tribunal veillent également, dans la mise en œuvre de cette procédure, à ce qu’elle se déroule dans des conditions garantissant le respect des droits des parties et l’impartialité de la juridiction. En témoigne, par exemple, la pratique du déport des membres du Tribunal Suprême les conduisant à s’abstenir de siéger dans une formation de jugement lorsque leur participation serait susceptible de faire naître un doute légitime sur le jugement impartial et objectif du litige.

Le serment[1] prêté par les membres du Tribunal Suprême devant le Souverain ne marque pas seulement un engagement personnel. Il exprime également les principes fondamentaux qui régissent le fonctionnement du Tribunal. Ces principes déterminent le comportement des membres du Tribunal tant dans l’exercice de leur mission qu’en dehors de celle-ci.

S’il ne fait nul doute que l’affirmation de ces principes et leur application vigilante permettent de satisfaire aux critères de qualité de la Justice les plus élevés, la démonstration du respect de ces critères implique également, pour l’organe du Conseil de l’Europe en charge de la lutte contre la corruption[2], l’adoption de règles écrites précisant la portée de ces principes.

L’Ordonnance Souveraine du 27 novembre 2019 assure ainsi l’inscription de ces règles au niveau adéquat dans la hiérarchie des normes, telle qu’elle résulte notamment de l’article 92 de la Constitution. L’article 4 de l’Ordonnance Souveraine du 16 avril 1963 modifiée explicite désormais la portée juridique des principes contenus dans le serment. Il renvoie à une Charte de déontologie le soin de préciser la portée concrète des obligations ainsi énoncées dans l’Ordonnance Souveraine.

Cette Charte de déontologie, élaborée par les membres du Tribunal Suprême et approuvée par le Directeur des Services Judiciaires, a été publiée au Journal de Monaco du 28 novembre 2019. Elle est également publiée sur ce site.

De même, si la faculté pour un membre du Tribunal Suprême de se déporter et la possibilité pour une partie de demander sa récusation existaient déjà sans texte, sont insérés dans l’Ordonnance Souveraine deux nouveaux articles précisant la procédure applicable en matière de déport et de récusation.

Protection des membres du Tribunal Suprême

Si l’adoption de règles nouvelles permet d’expliciter les garanties internes d’indépendance et d’impartialité du Tribunal Suprême, il n’en est pas moins nécessaire de protéger l’indépendance et la sérénité du Tribunal contre toute forme de pression ou de perturbation extérieure, qu’elles soient le fait de certains justiciables comme d’entités ou de personnes tierces.

Dans ce but, l’Ordonnance Souveraine du 27 novembre 2019 fait expressément bénéficier les membres du Tribunal Suprême de la protection fonctionnelle de l’Etat, représenté par le Directeur des Services Judiciaires, contre les menaces, outrages, injures, diffamations ou attaques de toute nature dont ils pourraient être l’objet dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions.

Plus largement, le Conseil de l’Europe a récemment réaffirmé qu’il importe, pour satisfaire aux critères d’un Etat de droit, que l’indépendance de la justice soit garantie concrètement. Cela signifie, tout particulièrement pour la juridiction constitutionnelle, « qu’elle n’est soumise à aucune pression extérieure ni à aucune influence ou manipulation politique, surtout émanant de l’exécutif »[3].  Une surveillance constante doit être assurée pour prévenir toute situation préoccupante, laquelle doit « entraîner une réaction ferme de la part de tous acteurs qui s’engagent dans la promotion et le renforcement des principes de l’Etat de droit »[4].

 


[1]« Je jure de veiller à la juste application de la Constitution et des lois de la Principauté. Je jure aussi de remplir mes fonctions en toute indépendance, avec impartialité et diligence, d’observer les devoirs qu’elles m’imposent, de garder le secret des délibérations et de me conduire en toutes circonstances avec dignité et loyauté » (article 4 de l’Ordonnance Souveraine du 16 avril 1963).

[2]Groupe d’États contre la corruption (GRECO), Prévention de la corruption des parlementaires, juges et procureurs. Rapport d’évaluation de Monaco, 23 juin 2017.

[3]Liste des critères de l’Etat de droit établie par la Commission de Venise les 11 et 12 mars 2016, approuvée par le Comité des ministres les 6 et 7 septembre 2016 et adoptée par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe le 11 octobre 2017. Cette exigence a notamment été rappelée dans l’avis rendu en 2016 sur la situation du Tribunal constitutionnel de Pologne.

[4]Résolution 2187 (2017) de l’Assemblée parlementaire entérinant les critères de l’Etat de droit.